LES VOYAGES DE CYRANO
de
Valérie Lamarre

Que dire des 16 voyages de Cyrano que nous livre Valérie si ce n’est que nous souhaiterions qu’il y en ait plus, encore, d’autres. Parce que, contrairement à Savinien, elle ne s’arrête pas à l’épiphénomène de notre satellite, sa rotondité, ses pleines et ses déliées, ses habitants, autres nous-mêmes. Non. Les Sélènes, il y a beau temps qu’elle en a fait le tour, les dessinant, les crayonnant, les coloriant de craies ou de pastels, mais surtout les sculptant depuis les années ’90. La lune, son calendrier, sa révolution même n’ont plus de secrets ici et lorsqu’elle défie le grand Hercule sur son terrain, c’est pour jouer avec l’univers, les univers qui se croisent dans son imaginaire.

Des soleils noirs aux lunes rousses, des univers camaïeux aux chatoiements des planètes sœurs, parfois jumelles, parfois triplées comme les saveurs glacées des cônes romains, des icônes stellaires, d’un trait sûr nous ouvrent à ces inconnues. Elles sont lenticulaires, spiralées, elliptiques, se laissent nommer par nos mythes : Magellan, Andromède, Centaure, ou modestement par leurs formes : petit cigare ou grande spirale. Et Valérie nous laisse libres de nous promener dans ses voiles d’étoiles, ces planètes perlées d’étranges exosphères comme des nuages de cendres et d’orages.

Ces voyages sont des routes vers des rivages peuplés et si Valérie avait été de Bergerac, elle nous raconterait les légendes de ces mondes où de la matière, de la lumière nait l’univers. Promenez-vous dans ces équilibres, plongez-vous dans ces mers limpides et mauves, ces terres fertiles et mordorées, absorbez l’air élémentaire, le souffle qui vous abrase, vous brûle de ces déserts ou la glace stellaire qui pourtant porte la vie. C’est le visage de Ganymède qui m’accueille, le royaume d’Asgard qui étincelle sous les aurores boréales, Castor attendant Pollux, le chaud attendant le froid, le proche et le lointain qui me souhaitent la bienvenue.

Parfois, mon regard accroche le détail d’un de ces voyages, une strie plus violente d’un couteau noir ou blanc qui taille la régularité des volumes et je m’évade de nos quotidiens, rejoins Cyrano et ses fioles de rosée, m’élève petit à petit dans des grâces alchimiques, de géométries et de teintes mêlées, et doucement atterris dans des histoires sans parole, à chaque toile son histoire, juste sereine.

Essayez. C’est la magie des voyages de Cyrano.

Jérémy Maranne