Leçon de cuisine pour un néophyte maladroit

Alors ! Pour faire une bonne croustade de raies, ce n’est pas bien compliqué. Il te faut juste un petit peu de méthode, du temps et pas peur de te salir les mains ni de te les brûler ! Et oui ! Car tout le secret de la croustade de raies est là ! Il faut la travailler « à chaud ».

 

Je t’explique ; Au début, il y avait un kilo d’ailes de raies dans ton congélateur qui ne demandait rien à personne. Le genre de paquet que tu achètes en te disant : « Tiens ! Je mangerais bien de la raie un de ces quatre » et que tu oublies parce que le poisson, en fait, ce n’est pas trop ton truc. En fait, ce n’est pas tout à fait juste. Tu aimes bien le poisson mais tu ne sais jamais comment le préparer… Tu préfères quand c’est ta mère qui le fait. Ou le manger au restaurant. Ou chez des amis qui, eux, savent le préparer. Bref ! Il y a ta petite famille qui a faim, tu n’as rien de « frais » en dehors du surgelé, c’est la fin du mois et tu ne peux pas te permettre de commander une pizza ou des sushi – trop cher – donc tu fouilles les paniers de ton congélateur à la recherche d’un truc pouvant être sympa…

 

C’est là que tu aperçois ces fameuses ailes, oubliées depuis le jour de leur achat. À côté, n’y a t’il pas un kilo d’épinards en branches ? « Ca commence à prendre forme » te dis-tu en aparté parce que, en vieillissant, tu marmonnes tout seul quand tu es dans le garage (dans la cave, dans le cellier, dans le garde-manger, dans la cuisine… Je te laisse rayer les mentions inutiles) et que tu cherches des idées pour nourrir ta petite famille… Tu sors l’un et l’autre (il n’y a pas de préférence dans l’ordre ; tu peux prendre celui que tu veux en premier, moi j’ai tendance à prendre d’abord le paquet d’ailes de raie mais ce n’est pas une obligation…) et tu quittes cette pièce pour te rendre dans ta cuisine (sauf, bien sûr, si tu étais déjà  dans la cuisine).

 

Attention ! il est très important d’aller dans la cuisine ! (sauf… Voir plus haut) Si tu restes dans le garage (cave, cellier, garde-manger…), ta croustade de raies sera, forcément, plus difficile à faire… Sauf si ton garage (cave, cellier, garde-manger…) est tout équipé mais là ! C’est autre chose…

 

Donc, dans la cuisine, tu prends une belle gamelle du type faitout (que tu n’utilises généralement que pour faire les pâtes, ou des bons plats mijotés…) et tu commences à la remplir d’eau au trois quart. Je ne peux pas te dire où tu prends ta gamelle, cela dépend de là où tu la ranges. Maintenant, je crois que pour cela, tu peux te débrouiller seul, non ? Ah ! Au fait ! Si je dis « remplir au trois quart » ce n’est pas innocent… Si tu la remplis entièrement, tu ne pourras pas mettre les ailes de raies. Et non ! Cela débordera ! ET après, la gazinière sera bonne à laver ! Et si tu la remplis qu’à moitié, il n’y aura pas assez d’eau pour recouvrir les ailes… C’est pour cela qu’il faut la remplir aux trois quarts…

 

Dans l’eau, tu mets trois cubes de bouillon de légumes (pas de bouillons de poule, pas de bouillon de bœuf, de veau, de crevettes… Que du bouillon de légumes ! Je te donnerai bien la marque mais je n’ai pas le droit de faire de la publicité) et tu épices en complément avec un peu de poivre gris et de poudre de muscades. Tu allumes le gaz et tu mets à chauffer ton eau jusqu’à ébullition.

 

Jusque là ça va ? Tu veux que je résume ? Non ? Bon ! Je continue.

 

Pendant que le bouillon de légumes chauffe, tu vas t’occuper des épinards. C’est facile, ne t’inquiètes pas. Tu prends une casserole… La plus grande de ta série… Tu sais, celle dont le manche se dévisse tout le temps et que tu resserres avec l’économe ? Bon. Tu y mets les épinards. Oui. Comme cela ! Direct. Bon, tu as ouvert le paquet avant, c’est le minimum … C’est fait ? OK. Tu rajoutes un demi verre d’eau, un peu de sel, un peu de poivre et Basta ! Tu mets à feu très doux et tu couvres. L’idée c’est de faire décongeler les épinards tout en douceur.

 

Après, tu tournes en rond quelques minutes, le temps que le bouillon de légumes arrive à ébullition. Tiens ! Tu sais ce que tu peux faire ? Préparer une petite salade de roquettes… Cela va très bien ensemble… Non ? … Bon ! Tu fais comme tu veux.

 

Quand le bouillon bout, tu laisses glisser doucement les ailes de raies dedans et tu attends la reprise de l’ébullition. Cela peut prendre deux, trois minutes. Il n’y a rien d’autre à faire qu’attendre…

 

 

C’est bon ?

 

OK ! On reprend ! Tu coupes le feu sous ta gamelle à la reprise de l’ébullition et tu couvres. Le temps que les ailes s’imbibent du bouillon et se détendent. C’est important qu’elles soient bien détendues. Comme toi. Oui, oui, cool quoi ! Tu en profites pour sortir une passoire, un saladier… Moyen, cela ira, c’est pour mettre la chair des ailes de poissons (j’adore ce concept de poissons volants !), une plaque à découper… Tu n’as pas de plaque ? Faut que tu en achètes une ! Tu ne vas pas découper sur ton carrelage ? Donc, faut que tu en achètes une ! Ou tu en piques une à ta mère, elle doit avoir cela… et tu prends un couteau d’office (tu sais, c’est celui qui a une petite lame pointue qui pique).

 

Touille un coup tes épinards ! Autrement, ils vont cramer au fond !

 

Tu es toujours avec moi ? Bon, elles trempent depuis combien de temps tes ailes ? Dix minutes ? Alors, égoutte-les… Doucement… Faudrait pas les casser… C’est fragile… C’est fait ?

 

Maintenant, tu mets une assiette sous ta passoire… Pour pas que cela goutte, benêt ! Et tu rapproches le tout de ta plaque. Là, tu vas éplucher les ailes. C’est facile. Ne t’inquiète pas. Je t’explique. Une aile de raie a deux côtés dont l’un est plus charnu que l’autre. Tu poses l’aile sur le côté le moins charnu et tu tires, avec ton couteau d’office, la chair du bord épais au bord fin en t’appuyant sur les cartilages. Tu retournes l’aile et tu recommences.

 

Tu te brûles ? C’est normal. Dis-toi que c’est le principe. Si c’est froid, c’est figé et tu ne peux plus tout détacher. Tu te brûles vraiment ?! Ben oui ! Et alors ? Je t’avais prévenu …

 

Tu as fini ? Bon ! Jette les cartilages. Jette, je te dis, cela ne sert à rien !

 

Tes épinards doivent être prêts. Coupe le gaz, rince ta passoire, prépare un autre saladier et égoutte tes épinards.

 

C’est ici, à mon avis, que tu ferais bien de faire une petite pose … Parce que tu vas vraiment te brûler cette fois… Non, les ailes, c’était de la nougatine… Fais une pose, une vraie pose, genre le temps d’une bonne cigarette, je te dis, ce sera un peu moins chaud. Tu y es ? Tes mains sont propres ?

 

Au dessus de l’évier, tu vas presser les galets d’épinards. L’idée est qu’ils soient secs. Parce que si tu mets des épinards aqueux dans de la pâte feuilletée tu vas avoir un truc … Je n’ose même pas imaginer… Bien sûr, de la pâte feuilletée, c’est une croustade ! Avec quoi tu l’as fait ta croustade ? Avec de la pâte à pain[1] ? Tu ne sais pas ce qu’est une « croustade » ? Tu me désespères ! Maintenant, tu sauras…

 

Vas-y lentement quand tu presses ! Le mieux c’est de mettre une galette sur la paume droite et de presser  comme de la pâte à modeler. Vas-y lentement… Plus tu le fais lentement et moins cela brûle… Non ? Alors disons que tu t’habitues plus vite à la chaleur.

 

Bon, c’est fait ? Tu as ton saladier d’épinards secs ? Ton saladier de chairs d’ailes de raies ? On va faire la sauce.

 

Là, c’est tranquille. Tu prends 20 grammes de beurre, cinquante centilitres de crème fraîche épaisse… Oui, tu peux prendre de la 15%… Mais, écoute-moi un peu non ! Bon, je reprends… Une moyenne casserole… Une casserole moyenne si tu veux…. T’es pénible, tu sais ? Je ne sais pas si j’arriverai au bout… Tu mets le beurre et tu fais chauffer à feu doux. Dès que le beurre est fondu, tu mets la crème et tu touilles. Tu touilles, je te dis ! Tu ne veux pas tout brûler ? Alors, touilles !

 

Pour la prochaine fois, si tu veux raffiner, tu mets moitié crème épaisse, moitié mascarpone… Oui, c’est meilleur… Non, là c’est bon mais avec le mascarpone c’est meilleur. Je te le dis, crois-moi.

 

Bon, ta crème est lisse ? Oui ? Tu rajoutes maintenant deux grosses cuillères de moutarde forte et tu touilles… Tu rajoutes de la noix de muscade, un peu de poivre noir en poudre et des graines de moutarde… Non, tu ne mets pas de moutarde à l’ancienne ! Non, je te dis ! De la moutarde forte et des graines de moutarde ! Pourquoi ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi… parce que c’est la recette ! C’est comme ça, c’est meilleur… Tu vois, dans la moutarde à l’ancienne, les graines sont molles, si tu les mets après, elles restent croquantes… Cela te va comme réponse ? Bon ! C’est lisse ? C’est cool. Coupe le feu. Maintenant, tu sépares le jaune d’un œuf et tu l’incorpores à ta sauce en touillant énergiquement que cela ne grumelle pas. C’est bon ? Qu’est-ce que tu fais du blanc ? Je n’en sais rien, moi. Tu feras des meringues ou des financiers ou ce que tu veux.

 

Maintenant, tu sais ce que tu viens de faire ? Oui ? Non ? Tu sais comment cela s’appelle ? Une sauce crémeuse à la moutarde… Si, si. De la crème, du beurre, de la moutarde, du jaune d’œuf, une sauce crémeuse à la moutarde… Ca t’épate, hein ? Et toi qui croyais que la cuisine c’était compliqué… Bon ! On dresse.

 

Va chercher les deux rouleaux de pâtes feuilletées… Mais oui, dans le frigo. Tu ne vas pas la faire, quand même ? Si tu n’en as pas d’avance, demande à ta mère, elle doit en avoir…

 

Normalement, à ce stade, tu as devant toi tes deux saladiers et ta casserole de sauce. Tu prends une plaque à four. Tu la couvres d’un papier sulfu. Un papier sulfu ? T’en as pas ? Tu n’as que du papier cuisson ? Mon dieu seigneur, comme ce n’est pas possible. Bon, couvre ta plaque de papier cuisson, cela ira. Tu ouvres un rouleau de pâte. Vérifie la date parce que si elle est trop vieille, elle sera fripée… Je parle de la pâte !… Soyons sérieux maintenant. Tu déroules la pâte doucement et, avec ton couteau d’office (tu l’as nettoyé ?) tu la partages en deux parts très inégales. Une grande part d’environ la moitié plus une bande de cinq ou six centimètres et une petite part de reste. Ta grande part sert de fond, tu la poses sur ta plaque. Tu as compris ?

 

Tu dépiautes ta chair d’ailes de raies et tu couvres ton fond avec en laissant une bande de pliage d’environ deux trois centimètres. Oui, on n’est pas au mille… Tu couvres bien, on ne doit plus voir la pâte… Maintenant, tu prends tes galets d’épinards pressés et tu les aplaties encore… Avec le bout des doigts… tu les installes sur la chair. Là encore, il faut que tu recouvres toute la chair. Puis tu poses la sauce sur les épinards.

 

Attention ! Faut être léger avec la sauce ! Faut pas que cela dégouline !

 

Tu en mets quand même partout parce que c’est la sauce qui redonne du moelleux.

 

Tu peux couvrir maintenant avec la petite part. Tu prépares ton deuxième rouleau de pâte de la même façon et du recommence : Chair d’ailes de raies, épinards, sauce, petite part de pâte, chair d’ailes, épinards… sauce…grande part de pâte pour couvrir le tout.

 

Bon, maintenant, il n’y a plus qu’à broder. Tu prends les bords des deux grandes parts et tu les roules comme le bord d’un bonnet. Faut faire joint, tu comprends ?

 

Dés que tu y es, tu me le dis ?

 

T’es long !…

 

C’est fait ?

 

OK ! Ta croustade est presque prête.

 

Tu croyais que c’était fini ? Et comment qu’elle va dorer ta croustade si tu ne la badigeonnes pas d’un jaune d’œuf ? Alors badigeonne ! Le blanc ? Pareil ! Débrouille- toi. Et tu penses à la petite cheminée ? T’y penses ? Parce que faut que cela s’évapore, que l’humidité des épinards s’exprime, que la crème s’épaississe … Tu  comprends l’idée ? Si c’est fermé, tout le jus va suinter par la pâte qui va s’amollir, s’effondrer, se liquéfier et, je t’assure, ce ne sera ni beau à voir ni bon à manger.

 

Voilà ! C’est fait ! Tu n’as plus qu’à la mettre au four à 210. Four 7, si tu veux… Combien de temps ? Je n’en sais rien, moi, tu regardes. Tu commences par 30 minutes et puis tu surveilles la couleur de la pâte… De toute façon, au bout de 30 minutes, la pâte est cuite et l’intérieur étant déjà cuit… Alors, tu fais comme tu veux pour la couleur…

 

Ah ! J’oubliais ! Il doit te rester de la sauce crémeuse à la moutarde ? Oui, tu sais, le truc que tu ne savais pas que tu savais faire ? Tu la serviras avec en la faisant réchauffer au bain marie.  

 

Avec ça, tu as un plat super pour huit ! …

 

Vous êtes deux ? !

 

C’est un dîner d’amoureux que tu veux ? Alors ce n’est pas ça qu’il te faut. Non ! Là, tu en manges toute la semaine… Tu congèles ! Mais oui, tu ne vas pas servir un plat pour huit si vous êtes deux ? Cela ne se fait pas…. Congèle, je te dis, tu la serviras quand ta mère viendra… Pour deux, ce qu’il te faut,  c’est des pannequets de filets de rougets. C’est super bon et, franchement, ça épate ! Alors écoute ! C’est simple. Ce qu’il faut c’est de la méthode…

[1] Quoique… On pourrait … mais non !